Récession bilancielle
Je suis en train de finir de lire le livre au titre racoleur, The Holy Grail of Macroeconomics de Richard C. Koo qui explique magistralement ce qui s'est passé au Japon entre 1990 et 2005, aux États-Unis lors de la Grande Dépression et... partout en Occident à partir de l'été 2008.
Ce qui s'est passé alors et se passe maintenant est simple : des entreprises se sont endettées en pariant sur la croissance.
C'est le principe du capitalisme (fondamentalement optimiste) et de l'investissement : on s'endette pour ramasser plus, plus tard.
Incidemment, cet endettement génère de la croissance, beaucoup de croissance, c'est l'effet multiplicateur du crédit.
Or, les liquidités et le crédit ont beaucoup augmenté.
L'incroyable croissance que nous avons connu est un peu comme si monsieur K avait une maison et un portefeuille d'actions achetées pour 1.000 et qui prennent 10% régulièrement. Monsieur K qui n'est pas bête, hypothèque le tout (soit 2 x 1.100) pour acheter une autre maison et un autre portefeuille, il possède donc 4 x 1.100 et doit 2.200. mais comme tout le monde fait de même, le prix des actions et des maisons augmente de 15% et monsieur K se retrouve avec un patrimoine de 5.060. Il hypothèque ce qu'il peut (5.060 - 2.200 déjà hypothéqués) et recommence.
Tant que tout le monde fait la même chose et que, effet multiplicateur du crédit aidant l'économie connait un boum, tout va bien.
Le jour où les prix des actifs baissent, Les entreprises, les particuliers, se retrouvent avec des dettes et un patrimoine qui fond. Il devient indispensable, surtout pour les entreprises qui techniquement frisent la faillite, de se désendetter pour faire correspondre le niveau des dettes à celui des actifs.
La mauvaise nouvelle, c'est que si le crédit a un effet multiplicateur sur la croissance, le désendettement a un effet terriblement négatif sur la décroissance.
C'est ce que Richard Koo appelle la balance sheet recession, et que je traduis ici en récession bilancielle : le "nettoyage" du bilan des entreprises et des ménages surendettés (par rapport à leurs actifs, tout est toujours relatif), provoque une décroissance, en clair et sans décodeur, une récession, voire une dépression...
Les États-Unis ont mis dix ans à s'en sortir (1929-1939 ou 1945), le Japon quinze ans (1990-2005) - mais dans le cas du Japon, la bulle était hypermégaenflée : l immobilier a décru de 90% et, rappelons-le, les ménages s'endettaient sur trois génératiosn pour acheter une maison, le ratio dette / fonds propres était de sept (contre deux considéré comme normal).
Bref, ça ne sera peut-être pas aussi pire qu'en 1929 ou 1990 mais ça va faire mal quand même.
Bonne nouvelle en passant : les économistes ont fait des progrès et savent mieux ce qu'il faut faire et ne pas faire...