Révolution et religion

Publié le par remi

J’ai toujours été convaincu, sans avoir vraiment creusé la question, que si une religion est plus successful qu’une autre, c’est parce qu’elle offre, d’un point de vue économique et politique des avantages a ses thuriféraires.

Les Romains ont pu construire leur Empire – au nord en raison de leur civilisation supérieurement avancée (en termes militaires, indéniablement) et dans le monde hellénique en raison de leur religion infiniment plus « tolérante ». Emile Durkheim l’explique limpidement dans De la division du travail social l’atténuation des pénalités pour manquement au fait religieux :

En Israël,

on ne saurait énumérer tous les crimes religieux que le Pentateuque distingue et réprime. (…) A ce titre, l’Hébreu n’était pas seulement tenu de ne rien faire qui fut défendu, mais encore de faire tout ce qui est ordonné, sous peine de sanctions terribles.

A Athènes,

la place de la criminalité religieuse était encore très grande. Cependant, ce sont presque tous des délits d’action et non d’abstention. Les principaux que l’on cite sont les suivants : la négation des croyances relatives aux dieux de la cite, a leur existence, a leur rôle dans les affaires humaines ; la profanation des fêtes, des sacrifices, des jeux, des temples et des autels ; la violation du droit d’asile, les manquements des devoirs envers les morts, l’omission ou l’altération des pratiques rituelles par le prêtre, le fait d’initier le vulgaire aux secrets des mystères, de déraciner les oliviers sacres.

A Rome,

les croyances traditionnelles religieuses pèsent d’un poids moins lourd encore. Les fonctions politiques, séparées très tôt des fonctions religieuses se les subordonnèrent. Les croyances religieuses d’Etats subordonnés et des étrangers vivants dans les limites de l’Empire étaient tolérées si elles ne portaient pas atteinte à l’Etat romain.

De plus, les crimes contre la religion sont moins nombreux et beaucoup d’entre eux ont baisse d’intensité : les scelera expiabilia (les crimes expiables) ne nécessitent qu’une expiation sous forme de sacrifice offert aux dieux (les crimes religieux grecs entrainent la mort, la confiscation ou l’exil). Les scelera inexpiabilia sont les suivantes :
1. tout manquement intentionnel au devoir des fonctionnaires de prendre les auspices ou d’accomplir les sacra, ou bien encore leur profanation intentionnelle
2. le fait, pour un magistrat, d’accomplir une legis actio un jour néfaste et ce, intentionnellement
3. la profanation intentionnelle des feriae par des actes interdits en pareils cas,
4. l’inceste commis par une vestale ou avec une vestale.

Le christianisme

Séparée de la vie temporelle beaucoup plus complètement qu’elle ne l’était même a Rome, la conscience religieuse des sociétés chrétiennes ne détermine de réaction pénale que quand on s’insurge contre elle de face ou qu’on la nie.

Elle ne réclame plus de répression pour des infractions de détail mais seulement quand elle est menacée dans ses principes fondamentaux.

Et leur nombre est encore moins grand car la loi de Moise, en se spiritualisant, devient plus abstraite et plus simplifiée. Le blasphème et l’hérésie sont désormais les seuls crimes religieux.

Et encore ! Les articles de foi chrétiens sont larges et généraux, plutôt que fondées sur des croyances particulières et des pratiques déterminées. Des l’origine, différentes écoles se fondent – la scholastique apparait – les droits de discussion sont reconnus (en principe). C’est ainsi que la criminalité religieuse a fini par sortir complètement ou presque du droit pénal.

Surtout, surtout, ajouterais-je, le christianisme insiste sur le fait que les hommes sont égaux devant dieu : point d’esclaves, point de maitres. Une première révolution est à l’œuvre.

L’Islam

est au départ, une religion véritablement révolutionnaire ainsi que l’explique Norman Davis dans son History of Europe. Durant sa vie, Mohamed a condamné les privilèges de la classe dominante, la subordination des femmes et la « loi du sang » des tribus arabes. Il insiste sur le fait que tous les musulmans sont frères et sœurs.

Les « cinq piliers de l’Islam » sont une fois de plus une simplification par rapport au christianisme (en particulier le christianisme byzantin, fameux pour son enculage-de-mouches doctrinal). Pour être musulman, il suffit de dire « je crois en Dieu et que Mohamed est son prophète » (exeunt les incompréhensibles distinctions sur la virginité de la vierge Marie, son enfantement par l’oreille, la sainte trinité et son caractère vraiment trinitaire ou véritablement un (professe par les uniates, l’infaillibilité du pape, et j’en passe et des meilleures)

Son appel pour une société plus économiquement juste, plus politiquement égalitaire explique le succès foudroyant de l’Islam qui en moins de cinquante ans supplante la chrétienté féodale sur la moitié du monde connu. Une seconde révolution est à l’œuvre qui renverse la société féodale gréco-romaine.

Théocratie

Hélas, hélas, comme la Révolution française, comme toute révolution qui (il faut que tout change pour que rien ne change dit le proverbe) est un retour au statu quo ex ante, les révolutions religieuses sont souvent éphémères : le christianisme génère la papauté et ses excès inquisitoriaux, l’Islam génère le califat saoudien ou la théocratie imamienne iranienne.

Comme dirait le divin Marquis : Croyants ! Encore un effort pour être révolutionnaire !

Publié dans Rémilitant

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M
Pour citer Andrem "l'homme a créé Dieu à son image" parce que s'il n'y avait plus de croyant, il n'y aurait plus de dieu.
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