Orient-Occident

Publié le par remi

Je suis adolescent, j'écoute les chansons d'Angelo Branduardi (son fantastique album Cercando l'oro – si tu ne sais pas quoi m'offrir pour mon anniversaire...) et j'ouvre un livre sur l'architecture islamique. C'est un choc esthétique – je suis fasciné. Je reste a jamais amoureux de l'architecture abbasside, omeyyade... Alhambra, jardins d'Ispahan, palais du Topkapi ou mausolée du Taj Mahal sont a jamais gravés dans ma mémoire comme des chefs d'oeuvres absolus.

Plus tard, je découvre la musique arabe et sa sensualité éplorée, sa tonalité si mélodieusement savante. Oum Khalsum berce mes nuits d'insomnie de sa voix rauque de garcon manqué.

Le week-end dernier, je papote avec D. a propos de mon post sur la liberté: deux poids, deux mesures. M'étonne le fait que D., garcon supérieurement intelligent tienne des propos limite racistes sur l'invasion culturelle et démographique des Arabes en Europe, sur le fantasme paranoiaque de musulmans anglais qui dans la jungle bordélique du droit coutumier anglais s'arrogeraient (ou désireraient s'arroger) le droit d'appliquer la charia... Il prend fait et cause pour l'interdiction du voile.

Je suis peut-etre atteint d'une myopie inverse mais pour moi l'Islam est tout sauf une religion obscurantiste (ni plus ni moins que le judaisme qui dans sa version integriste oblige les femmes a cacher leurs cheveux sous une perruque, que le catholicisme qui dans sa version integriste dénie aux femmes le droit a la contraception) et en aucun cas une "menace" pour l'Occident (ni plus ni moins que la dérive fondamentaliste qui aux U.S. impose l'enseignement du créationisme comme option valable face au darwinisme).

Si l'Occident est devenu une civilisation évoluée, c'est grace aux apports essentiels de la civilisation arabo-musulmane qui nous a donné entre autres merveilles, les chiffres dit arabes et le zéro sans lequel le calcul ne pourait se faire (chiffre, zéro, algoritme sont des mots importés de l'arabe) qui nous a transmis le papier sans lequel l'imprimerie (et l'extraordinaire accumulation exponentielle des savoirs qu'elle a permis) n'aurait jamais vue le jour...

Je suis et je reste persuadé que l'on a tout a gagner a s'aimer, s'aider - se lancer des caricatures ou des préjugés a la figure ne fera jamais avancer le schmilblick.

Economie politique de la Religion

J'ai une theorie assez 'athée' et tres rationnelle: une religion est 'successful' par rapport a une autre si elle apporte un 'bien-etre' supplémentaire par rapport a la précédente ou a la concurrente. Elle se doit d'etre mieux-disante économiquement.

Pour prendre un exemple chez nous: au 16e siecle, j'ai le choix entre une eglise catholique qui légitime un 'impot' spécial (les indulgences - appelons 'impot' cette sorte de taxe théologique qui permet d'accéder plus rapidement au paradis) et l'eglise protestante qui m'assure que non. A cette époque, Rome perd une bonne moitié de l'Europe...

Une religion se doit aussi d'etre mieux-disante politiquement (je prends le mot politique dans un sens tres tres large). Avec un acces direct au pouvoir, elle peut vérouiller l'acces sur son marché aux autres religions (le 'Ejus Regio Cujus Religio' du XVIIe post gerres de religion). Elle a un role sociologique clé (aller a la messe, au temple, a la mosquée, a la synagogue a un role fédérateur de l'individu dans le groupe - changer de cremerie théologique est un acte 'grave' puisqu'il peut fondamentalement isoler l'individu de son groupe (famille, clan,...) originel en cas de rejet de l'apostat.

L'histoire de Rome est celle d'une longue série de compromissions avec le/les pouvoirs politiques en place a commencer par la conversion de Constantin qui en fait l'eglise 'officielle' de l'Empire romain et a finir par la lettre du futur Benoit XVI demandant aux hommes politiques catholiques de ne pas soufrir que les homosexuel(le)s eussent acces a une égalité des droits en passant par la querelle des investitures ou l'existence de partis politiques 'chrétiens'. De par son influence psychologique mais aussi economique et politique, intellectuelle (souvent le systeme éducatif est aux mains du clergé) et culturelle, aucune société n'est a l'abri d'une dérive théocratique comme on le voit en Iran ou en Arabie Saoudite, en Utah ou au Tibet jusqu'a l'arrivée des communistes au pouvoir.

Tout cela pour dire qu'a mon sens, il est nécessaire de se poser la question de maniere ouverte et non dogmatique sur les raisons du succes de l'Islam. Et si l'Islam n'était pas cette religion 'fondamentaliste', violente et totalitaire comme on se plait (pour des raisons largement propagandistes) a présenter?

Tolérance religieuse

L'Islam est tolérant - plus anciennement et plus largement que la chrétienté. Les califes omeyyades, abbassides puis ottomans tolerent la présence des chrétiens sur leur sol alors que le contraire n'est pas vrai.

Quand Isabelle la Catholique expulse les juifs d'Espagne, ils trouvent refuge aupres de la Divine Porte qui restera un empire multiculturel et multi-religieux jusqu'a son effondrement et le génocide arménien.

Modernité

Certes il y'a ce foutu voile, mais il est consubtantiel au monde méditerranéen et d'ailleurs en Occident il il est largement répandu jusqu'a la Renaissance (obligation biblique de couverture des cheveux des femmes mariées si mes souvenirs sont exacts). Il subsistait chez nous jusqu'a il y a peu sous forme de reliquats (la jeune fille nubile porte un voile lors de sa communion solennelle, les femmes se couvraient la tete en allant a la messe).

Ce voile dont la forme la plus extreme est la burqa afghane releve plus d'un usage coutumier que dogmatique - et si dogme il y a, il est a l'origine judéo-chrétien.

L'islam reconnait le droit des femmes a l'avortement & a la contraception alors que Rome n'a toujours pas fait d'aggiornamento sur le sujet... Comme l'ecrit amgb dans un de ses commentaires, "Il y avait une fatwa (réponse à une question d’ordre religieux) d’un très grand théologien musulman (Al Ghazali) qui autorisait les deux époux à avoir recours à la contraception si la femme craint pour sa beauté en cas de grossesse. Je ne connaissais pas cette fatwa, et ca m’a fait rire beaucoup rire, sachant que elle était dite, il y a plusieurs siècles."

En ce qui concerne le divorce, si Rome l'interdit toujours sauf cas rarissimes, l'islam le permet et ce faisant donne des droits relativement égaux aux deux époux (voir article divorce dans Wikipédia), preuve de la modernité de l'islam sur bien des points sociologiques...

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Je reste (pas de peur a se faire, maman :-) mécréant mais un mécréant admiratif plutot que depréciatif de l'islam.

Publié dans Mutatis mutandis

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P
Justement, dire aux musulmans: "croyez moi, vous faites fausse route en admettant en votre sein cette violence et cette haine", c'est ca, le message a delivrer.  Defendons et admirons l'islam, oui, mais que l'islam  cesse egalement ses compromissions avec lui-meme. Et cessons de soutenir systematiquement les regimes les plus corrompus et brutaux du monde islamique.
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L
comme toi j'apprécie bcp la culture sémitte, mais aussi surprenant que cela soit pas l'architecture, la G toujours eu plus de mal lol jolies pages en tout cas
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