Le machisme d'État
Le Monde, dans un article et dans un éditorial, couvre la décision du Conseil d'État pour refuser la nationalité française à une Marocaine qui porte la burqa, ce voile intégrale qui ne dévoile que les yeux.
J'avais, avant même de rejoindre Dubaï et le Moyen-Orient islamique, pris fait et cause contre la loi qui interdit le port du voile à l'école, un poste qui avait - pour ce modeste blog - recueilli un record de commentaires (9).
Ça recommence, l'État français, avec l'impartialité que nous lui connaissons, par l'intermédiaire de l'une de ses plus hautes administrations, le Conseil d'État, refuse la nationalité française pour défaut d'assimilation.
Le Monde écrit :
Le Conseil, il est vrai, s'en tient à une appréciation de principe : à ses yeux, la burqa est tout sauf un signe religieux banal, qui relèverait d'un simple choix privé ou de la liberté de conscience ; à ses yeux, c'est au contraire un symbole majeur pour les musulmans les plus militants et minoritaires, qui revendiquent une pratique extrême de leur religion. Un symbole de ségrégation entre les hommes et les femmes. Un symbole inacceptable du statut d'infériorité de la femme dans cette conception de l'islam. Comment lui donner tort ?
Décorticons cette appréciation de principe et donnons lui tort.
L'État français, dans son appréciation, applique les principes du patriarcat romain qui nie la liberté de la femme. Le droit français est issu du droit romain et l'inconscient de la loi - que le Monde appelle ici pudiquement "appréciation" est fortement méditerranéen, machiste et antiféministe, autoritaire et antidémocratique, etc. « Soit obéissante aux désirs des hommes ». En l'occurence, les désirs des membres - en grande majorité masculins, a n'en pas douter - du Conseil d'État, est que la femme suive les canons occidentaux de la beauté - lesquels, martelés jour après jour par la pub, ne sont autre chose qu'une putisation de la femme-objet, lèvres pulpeuses entrouvertes pour une pipe, talons hauts pour freiner la fuite, jambes exhibées et gorge décolletée pour une consommation facilitée. Or, on l'oublie, le port du voile chez cette femme marocaine majeure relève d'un choix adulte et réfléchi.
Liberté de choix : État français 0 / Mme X. 1
Un symbole de la ségrégation entre hommes et femmes ? Elle a bon dos la déségrégation. L'État français s'est réveillé un peu tard (et dans son sommeil, son inconscient romain le titillait sans doute, avec un pater familias ayant droit de vie et de mort sur sa femme, ses enfants et ses esclaves), veut rattrapper le temps perdu et impose à droite et à gauche la déségrégation des filles et des garçons. Ça a commencé dans les écoles, ça continue au niveau du droit de vote, dans les quotas des listes électorales (aïe - pas si facile). Relisons La Domination masculine de Bourdieu et rappelons nous que la ségrégation des femmes à l'étage n-1 des strates du pouvoir est partout dans la société française. Agiter l'epouvantail du salafisme radical pour excuser le machisme judéochrétien, c'est un peu facile non ? J'ai du mal à comprendre en quoi, la ségrégation qui vérole la société et la loi française, peut-être un argument pour refuser à une femme la nationalité française...
Déségrégation : État français 0 / Mme X. 1.
Il y a un aspect fondamental du débat qui est mécompris. Le voile n'est pas un signe religieux - ou alors il est autant judéochrétien qu'islamique : les femmes juives orthodoxes portent des perruques pour ne pas laisser voir leurs cheveux aux autres hommes que leurs maris, les catholiques ont porté jusque récemment (et le portent encore dans certains pays du monde) un voile sur la tête en allant à la messe, reliquat oublié de l'injonction biblique de ne pas laisser voir ses cheveux quand on est une femme mariée (seules les putes se découvrent la tête - cf Marie-Madeleine). Les femmes grecques, bien avant Jésus-Christ, se voilaient la tête. Cette habitude est une coutume méditerranéenne ancestrale. En faire un postulat islamique, c'est ne rien comprendre à notre histoire. Citée par le Monde, Mme M. a pourtant clairement indiqué les raisons areligieuses de son choix :
[elle explique] qu'elle n'a adopté ce costume qu'après son arrivée en France à la demande de son mari et qu'elle le porte plus par habitude que par conviction".
Laïcité : État français 0 / Mme X. 1.
Bref l'État français a tort, il devrait laisser les femmes s'habiller comme elles le veulent - putes, soumises ou rebelles, il devrait appliquer les principes laïques qui sont les siens et s'abstenir de prendre en compte, quant à ses propres décisions, les aspects religieux et les convictions personnelles de ses concitoyen(ne)s ou futur(e)s concitoyen(ne)s.