Le dit de l'Oreiller

Publié le par remi

On epouse toujours un peu papa ou maman.

Honza pour moi, c'etait un peu beaucoup maman. Il avait l'age qu'avait ma mere quand elle a rencontré mon pere. Comme elle, il etait étudiant en médecine. Comme elle il est devenu médecin. Comme ma mere vis-a-vis de mon pere, il etait plus grand que moi. Le meme type de personalité aussi... foncierement gentil, fondamentalement honnete...

En fevrier sur gaydar, c'est mon pere que je rencontre. Appelons le Milos – peut-etre parce qu'il s'appelle Milos ou peut-etre pas. Comme mon pere il est universitaire et dans son cas, professeur dans une prestigieuse université de la Mittel Europa, disons la Eötvös Loránd Tudományegyetem meme si ce n'est peut-etre pas tout a fait exact. Il est spécialiste des langues indo-iranienne et on a des conversations passionnantes sur l'éthymologie des mots. Comme mon pere, il collectionne les antiquités et son appartement dont il m'envoie des photos est un vrai musée. Comme mon pere encore, il est incollable sur la littérature et on discutera longuement sur les Liaisons Dangereuses.

Comme moi, il vient de se faire faire un portrait par un jeune peintre, un portrait symbolique et malhabile ou sa fleur favorite, la tulipe embleme des shahs de Perse et des sultans ottomans, orne un ecu discret et ambitieux. Nous avons tant en commun!...

Valmont ou le libertin qui tombe amoureux

Milos et moi tchattions sur MSN ou Skype...

Remi : "you" are still virtual but i've not feel so close to someone in a long time

Remi: because the "you" I discover here on the chat is you and not you...

Milos: because you do not know how to behave. you do not want to be serious - it is funny to be seroius about the computer, on the other hand, there are some emotions

Remi : precisely

Milos: well, I have checked - in Pest there is a shop in which they sell frogs.... so if you wanted to come for the weekend, you would not be hungry....

Remi :

Milos: fucking around is problematic...

Remi : for you too?

Milos: it does not make feel you happy, although it is thrill.

Milos: sometimes it becomes a habit

Milos: I know a couple of people like that!

Remi : who does not

Milos: easy to start, difficult to stop

Milos: and we have got the enormous, huge availability of sex... It is served, go and enjoy. which combined with no morals gives the final outcome.

Milos: In my Polish profile I have got a quotation from one book

Milos: I think you would like it

Remi : it goes?

Milos: Hella Haasse, the Dutch writer, MUST have been translated into french wrote « the Dangerous Liasons or the letters from Daal-en-Bergh ». she is walking through the district of Hague, and she sees its name « Daal en Bergh » and by coincidence she translates it into French - Valmont

Milos: and remembers that Marquise de Merteuil (rings a bell....?)

Remi : yes

Milos: fled from France just to Holland

Milos: and she strarts writing letters to her, shem, the Dutch contemporary writer, and the Marquise writes back. it is a philosophical book. not the sequell

Remi : I have to read it

Milos: and there was one phrase

Milos: "observing at the people ant their morality I have been wondering if there is no other answer then the growing coldness of my heart"

Milos: I wrote it on my profile 3 years ago

Remi : one year after your divorce

Milos: but I do not think it describes me now as it used to

Remi : so your heart is not cold anymore. Good news

Milos: No, I just somehow joined the club, out of necessity

Milos: it is not cold, it has a big......

Milos: word, word!

Remi : void?

Milos: pancer

Pancer ou le coeur blindé

Le mot etait lancé – pancer en tcheque, pancilozott en hongrois, panzer en allemand, blindage en francais... Un coeur blindé par cette vie gay ou le sexe est si facile a obtenir et l'amour si difficile. Nous décidions d'oter nos armures et de nous rencontrer. Milos vint passer le week-end a Prague.

Il arrivait vendredi a midi et je me prenais l'aprémidi. Samedi nous vit faire les courses ensemble pour un diner avec les amigos et l'un de ses amis présent a Prague. Tout allait tres vite, déja il etait intronisé aupres des amigos. Déjà il me présentait a ses amis.

J'étais amoureux. Nous étions amoureux.

Nous sortimes, Milos, son ami, les amigos et moi a Valentino. Milos n'aime pas vraiment danser et nous passames une bonne partie de la nuit a papoter sérieusement, tres sérieusement, trop sérieusement sur l'amour, notre relation.

Ils sont comme cela les Européens de l'Est (mais pas les Tcheques qui sont des Allemands parlant slave, des Allemands rationnels et, pour tout dire un peu froids au niveau sentimental), tout de suite les grands mots, tout de suite les serments éternels...

Je me sentis un peu pris au piege – forcé de proférer des mots que, quand bien meme je les pensais, j'aurais préféré garder pour un peu plus tard.

Quand on rencontre quelqu'un, c'est pas du blindage mais mon reserve cartésienne veut que l'on se donne le temps de se découvrir, de s'aimer plus profondément.

Quand je rencontrai Honza, mon ex, le lendemain de notre premiere nuit, je lui demandais, tout en l'assurant de mes sentiments sinceres, de ne pas utiliser le verbe « aimer » avant six mois. Avant cela, une relation c'est du baby love, on vole sur un nuage. Avec Milos, je désirais la meme chose – qu'on se donne du temps. Mais Milos voulait tout tout de suite. Les sentiments, les serments. Tout. Now!

Je lui donnais ce qu'il voulait mais je lui en voulais de m'avoir forcé la main (ou la langue en l'occurence). La nuit était avancée, l'aube allait arriver, il aurait un avion a prendre et on pourrait, avec la distance géographique, reprendre un rythme plus... doux.

Ce dimanche-la, il insista pour que je l'accompagnasse a l'aeroport (une heure et demi aller et retour), ce que je fis sachant que le reste de la journée serait une course poursuite avant, a mon tour de prendre l'avion pour Bucarest. Bureau pour terminer une analyse et récupérer des papiers, maison pour faire ma valise, taxi encore une fois vers l'aéroport, controles de sécurité, attente, avion, taxi vers l'hotel – le tout entrelardé d'une dizaine de texto doux amers de Milos qui avait regagné ses pénates et resserrait le lien affectif que la distance pourrait détendre...

Ce lundi de travail a Bucarest fut éprouvant et en sus: cinq textos, deux tentatives de conversation sur Skype de la part de Milos gentiment rejetées par Remi qui a, vrillée au corps, la délimitation professionnel / privé et ne veut pas se voir reprocher d'utiliser les heures de travail a des fins personnelles.

A sept heures du soir, la journée de travail finissante:

Milos : I really liked out "Cesky sen" last weekend... We were even in Tesco together!  Big hug

Remi : me too - the Tesco shopping was maybe the most intimate part

Milos : are you going to be here or to crash the bed?

Remi : no idea - i'm having dinner with my boss and his boyfriend...

Milos : I am not offended, but I wanted to share my impressions from Prague with you and just takl. And realised that you were not so interested so much. I felt somehow sorry, but understand it. That's why I used the expression "cesky sen" to make a definite allusion

Remi : so because i crash to bed or am forced to dinner you take offense? Listen, I had 2 hours of sleep on sunday

Milos : no, I do not take any offence...

Remi : no? how should i read "And realised that you were not so interested so much. I felt somehow sorry"

Milos : I just felt a but sorry that there was not chance to talk, but can imagine it was difficult. and these days you are much more hard working than I am

No chance to talk!!! On n'avait pas arreté de parler de tout le week end, il m'avait monopolisé toute la nuit dans les profonds sofas de Valentino m'empechant de danser (moi qui adore ca, le hou hou en agitant ses bras en l'air) pour me tirer du nez les mots qu'il voulait entendre et refaire le monde, réécrire la vie et s'inventer un futur.

No chance to talk... De la mauvaise foi...

Et puis si il y a un truc que je déteste dans la vie, c'est les gens « passive aggressive ». Cette méchante allusion a Cesky Sen, que j'avais bien décodée comme une méchante allusion mais que j'avais décidé de retourner comme un gant et de positiver (chuis comme ca, moi, j'avale les couleuvres de la zizanie pour que le monde soit plus beau, plus gentil et plus bon) en rappelant que, dans ce monde gay dans lequel nous vivons, c'est pas baiser ensemble (ce que l'on fit, et bien, et souvent durant ce week-end) qui est intime, mais c'est de faire les courses et d'engager ensemble ces gestes quotidiens et conjugaux... cette méchante allusion a Cesky Sen, me disais-je, c'est du « passive-aggressive » et c'est insupportable.

We are all hedging our bets

Le lendemain, mardi, coup de téléphone en début de soirée (il a respecté la division temporelle allouée au travail, ce qui a du lui couter pas mal d'effort, on lui en est gré). Déclarations enflammées et exigences, « en retour », de serments réitérés d'amour sincere et éternel.

Je botte en touche.

- listen, lui intimai-je, il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour.

C'est une de mes grandes maximes, ma philosophie portative sentimentale, l'une des raisons pour lesquelles mon couple avec Honza a tenu si longtemps avant de se défaire.

- et en ce qui te concerne, si tu exiges des serments, tu es le dernier a apporter ces preuves que tu exiges. Pendant ces quelques semaines ou nous tchations non-stop et carressions le projet de nous rencontrer a Prague, j'avais arreté de surfer sur gaydar alors que toi, tu chassais de la chair fraiche tous les jours.

(il faut que j'ouvre une parenthese pour mon lecteur hétéro ou pour le gay débutant dans la vie et qui ne s'est jamais logué sur un site de rencontre internet – Gaydar est le site sur lequel nous nous étions rencontré – on se logue, on consulte ses messages recus, on répond, on regarde les profils de mecs qui correspond a nos attentes (il y a un « outil de recherche » multicritere assez bien foutu) etc – mais le site permet aussi de consulter la page de quelqu'un dont on connait deja le « nick » sans avoir a se loguer et on peut voir a quelle date la personne s'est loguée pour la derniere fois. Par exemple, et a l'heure ou j'ecris ces lignes, mon profil sur Gaydar indique que j'ai visité le site pour la derniere fois le 5 avril. J'avais regardé la page de Milos de cette maniere pour m'offrir le plaisir de voir sa bouille et je ne m'étais pas logué parce que je considere que quand on a la chance d'avoir rencontré quelqu'un de bien, on se consacre a construire quelque chose avec lui.

Tout le monde n'est pas aussi « éthique » que moi et je constatais que Milos, par exemple, tout en chattant avec moi, etait sans doute en train de tenter de trouver quelqu'un d'encore mieux que moi.

C'est ce que Fédé constata une fois et résuma dans cette formule que je trouvais pertinente: « we are all hedging our bets ».

Well, I don't want to be like that...

Or I try very hard not to be like that...

fin de la parenthese)

Pris au piege de son propre double-jeu, Milos annonca fierement qu'il allait supprimer son profil sur Gaydar.

Noble, tres noble attitude.

Je n'en demandais pas tant.

Je n'offrais pas la pareille. Me soumettant a un reproche futur.

Milos avait oublié qu'il m'avait dévoilé le « nick » de ses deux profils, l'un en Tchéquie ou il chassait dans la perspective de son transfer proche a l'Université Charles (oui, c'est moi le rédacteur de cet article sur Wkipedia), l'autre en Hongrie. S'il avait bel et bien supprimé son profil tcheque, il ne fit pas de meme de son profil hongrois...

Quelques heures plus tard, j'envoyais un mail de rupture.

Les coleuvres passive-aggressives, j'avalle mais le mensonge et la manipulation. Non.

Je ne voudrais pas dire du mal des gens, mais ce garcon est tres gentil...

Cela me perdra, mais je suis gentil comme mec.

Milos, en ce début avril débarque a Prague.

Il ne sera pas celui avec qui je passerai les dix prochaines années mais c'est pas la peine d'en faire un pariah et on décide de se revoir. J'ai récupéré, grace a Ondra, une invitation pour la Lollypop party de Radost et je décide d'en faire profiter Milos. Avec mon genou, j'peux pas danser et c'est une torture de sortir, de voir les autres faire des hou hou hou en balancant leurs bras tout en restant rivé a son fauteuil ou sa chaise de bar...

Milos passe a la maison. Conversation sur la littérature, sur le livre qu'il vient de publier, sur notre rupture, sur son séjour a Prague et les gays qu'il a rencontrés ou va rencontrer – il est jeune, brillant et ultra-mignon et n'a pas eu de mal a se dégoter quelques « dates » dont l'une est prévue pour le lendemain. Moi? Moi rien, mais rien ne presse, mentais-je. On papote concerts et théatre, projetant d'aller voir la version tcheque et théatrale des Liaisons Dangereuses qui se joue en ce moment et qui a recu d'excellentes critiques. Quelques whiskies plus tard, on se roule des pelles. C'est pas moi, c'est lui qui a commencé.

- it's gonna be messy...

On le sait l'un comme l'autre. Remi, c'était vraiment pas la peine de le dire...

Une chose menant a l'autre, on est a poil dans le lit, a se rouler des pelles langoureuses. Milos embrasse superbement bien. Il est aussi un oiseau de nuit. Il s'arrange toujours pour que ses classes aient lieu l'aprémidi et dors le matin. L'heure avance et je suis en train de m'endormir dans ses bras. Nous n'avons pas joui. C'est pas si important au fond. C'est alors qu'il m'annonce:

- I am going to put you on the wall

Je ne connais pas l'expression mais elle se comprend: il veut me clouer au pilori.

- no, not now please.

- yes.

- no. Please.

- shall I go to see this date tomorrow?

Putain de merde, ou veut-il en venir? Pourquoi profiter de ma faiblesse et de ma fatigue pour me poser des questions pareilles?!?...

- I think you should do what you want to do...

- I want you to answer yes or no.

Si tu me cloues au pilori, y'a toutes les chances que je me rebiffe.

- yes, lui sussurai-je a l'oreille et sur l'oreiller. Et au cas ou mon 'yes' aurait pas été clair, de préciser: I think you've made a commitment and should not cancel your date.

- Remi! It's fucking difficult with you... I can't read you, you give me all the signs of emotions and feelings and then you take it back! That's so fucking difficult!...

Poor baby, pensais-je, et maintenant, ca va etre ma faute!... Je suis furieux.

- listen, you've wanted to put me on the wall, you've put me on the wall, that's what you get for it...

- no!... you're being so fucking unfair, I just wanted to get a clear answer from you. We're sleeping together, I just want to know if we're fucking or making love

- well, if it's so fucking important, you could have asked before, now it's too late. The timing is WRONG!!...

- no it's not too late, the timing is right

- it is too late and your question is stupid, absurd and passive-aggressive. In my world, I would have cancelled the date without asking the other and without even mentionning it to the other, as something evident, natural...

- but I wanted to know your feelings.

- too late...

La suite, on la connait...

Publié dans Mutatis mutandis

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